Les tests RT-PCR en détail : ce qu'il faut savoir ...

 .... pour ne pas (trop) se laisser enfumer ....
Article paru dans le Journal International de Médecine (JIM) Les interventions de Pierre Sonigo : un virologiste honnête!
 
Paris, le samedi 3 octobre 2020 – Depuis le début du mois de septembre, le chiffre a largement circulé sur les réseaux sociaux : 90 % des tests de dépistage du SARS-CoV-2 par RT-PCR seraient des « faux positifs », assènent des posts, voulant dénoncer un scandale, voire pour certains une « arnaque ». « On retrouve cette théorie dans un texte du site France Soir, (La grande supercherie des tests PCR, 90 % des cas positifs ne sont pas malades ni contagieux, signé par Peter El Baze, ndrl) partagé au moins 14 700 fois sur des groupes et pages publics Facebook depuis le 14 septembre, selon l'outil de mesure d'audience des réseaux sociaux Crowdtangle. La même idée est déclinée par un post Facebook (diffusé par Le Carrefour de l’horloge), partagé au moins 5 600 fois depuis le 10 septembre » comptabilise le service de décryptage des informations (fact checking) de l’AFP. « Ce chiffre de 90 % (…) a marqué les esprits et a ensuite été repris sur les réseaux» constate pour sa part le blog Les Décodeurs du Monde qui rappelle qu’il est initialement tiré d’une enquête du New York Times.
 
Ce qu’il faut rappeler sur la RT-PCR
Tant cet activisme, sur des sites qui n’hésitent pas fréquemment à parallèlement colporter des théories clairement complotistes, que le caractère effectivement marquant de ces « 90 % » ainsi mis en avant ne pouvaient qu’inciter les décrypteurs professionnels à s’emparer du sujet. Pour en comprendre l’enjeu, il faut tout d’abord rappeler comme le fait le biologiste Pierre Sonigo, dans un post publié sur Linkedin que : « La PCR utilise un principe très particulier : la cible du test, un fragment d'ARN viral, est massivement amplifiée afin de permettre sa détection. Au cours de l'analyse, une réaction enzymatique associée à des « cycles » de variation de température permet une série de « réplications » successives de l’acide nucléique ciblé. Chaque cycle correspond à une multiplication théorique de la cible par 2. On multiplie donc par 2 en un cycle, par 4 en 2 cycles, par 8 en 3 cycles, par 16 en 4 cycles, et ainsi de suite de manière exponentielle. A l'heure actuelle, l'amplification est généralement pratiquée sur 40 cycles, soit une amplification théorique de 2^40, environ mille milliards de fois ! » résume-t-il.
Une RT-PCR positive n’est pas un signe de contagiosité
Les conséquences sur la sensibilité des tests RT-PCR sont très importantes : cette analyse est capable de repérer l’ARN du virus, même en quantité infirme. La significativité en terme diagnostique et pour évaluer la contagiosité est cependant fortement réduite compte tenu d’une telle sensibilité. « Tout d’abord, le test RT-PCR n’est pas un test de la présence du virus mais un test de la présence de séquences génétiques du virus. Or les personnes peuvent excréter des séquences virales sans pour autant excréter de virus vivants. C’est une première raison qui fait que l’on peut être positif à la RT-PCR sans pour autant être contagieux. Par exemple 20, 30 voire 45 jours après le début des symptômes. Deuxième raison : la RT-PCR fonctionne par répétition de cycles de multiplication de la quantité des séquences génétiques cibles présentes dans l’échantillon d’origine jusqu’à atteindre une quantité détectable. C’est ce qui fait la puissance de cette technique : en poussant le nombre de cycles, on peut arriver à détecter de très petites quantités de matériel génétique » détaille le médecin généraliste Yvon Le Flohic sur le site Industries et Technologies.
Peut-on extrapoler à l’ensemble du monde des résultats obtenus dans le Massachussetts ?
Sur la base de telles constatations, les journalistes du New York Times ont remarqué que dans la très grande majorité des cas où cet élément était renseigné, la positivité de la RT-PCR était obtenue au-delà de 40 cycles, à un niveau où la quantité de virus présente est si faible que le risque de contagiosité semble également infime. Ainsi, dans le Massachusetts, « 85 % à 90 % des personnes testées positives en juillet, avec un seuil de cycles fixé à 40, auraient été considérées comme négatives si le seuil avait été de 30 », expliquait le professeur d’épidémiologie Michael Mina (Harvard) dans le New York Times, dont les propos ont donc donné lieu à des milliers de reprises (raccourcies) dans le monde entier. Cependant, les décrypteurs ont tenu à rétablir quelques contre-vérités. « Si le chiffre de 90 % correspond bien à des observations scientifiques, il est néanmoins exagéré d’affirmer que "90 % des cas positifs ne sont pas malades, ni contagieux". Tout d’abord, parce que comme le rappellent nos confrères du Monde, les observations effectuées dans le Massachusetts ne sont pas généralisables à l’ensemble des régions. Et les Ct ne sont pas renseignés dans les statistiques nationales sur l’évolution du nombre de cas positifs » note le service Checknews de Libération.
L’impossibilité de l’extrapolation des résultats du Massachussetts pourrait cependant être discutée.
 
Jeu des faux semblants
Ensuite, ils réprouvent l’utilisation du terme de « faux positifs ». « A noter, par ailleurs, que Peter El Baze assure dans la tribune de France-Soir que des résultats positifs obtenus avec un Ct très élevé ont plus de risque d’être des "faux positifs". En réalité, cela signifie uniquement que le virus est peu présent dans l’organisme » corrige CheckNews. « En outre, il est abusif d'appeler les personnes ayant une charge virale détectée considérée comme basse comme "faux positifs" puisqu'ils ont bel et bien du virus détecté dans leur échantillon. En biologie médicale, un "faux positif" est un résultat qui aurait détecté un pathogène dans un échantillon alors que le patient n'en est pas porteur » insiste le service de Fact Checking de l’AFP. « Mais on ne peut parler de "faux positifs" pour autant. D’ailleurs, le terme n’apparaît pas dans l’article du New York Times, mais uniquement dans certains discours, qui prétendent s’appuyer sur celui-ci. En effet, cette expression désigne les tests qui n’auraient pas dû détecter de virus, car il n’y en avait pas. Or, les tests positifs associés à une valeur Ct élevée ont correctement rempli leur fonction : des traces de virus étaient bien présentes dans l’échantillon analysé » insistent Les Décodeurs. Enfin, ces services de décryptage relèvent qu’il n’y a pas de consensus sur le nombre de Ct au-delà duquel on pourrait considérer que la personne testée n’est pas contagieuse. « En fait le nombre de cycles, on s’en fiche, tout dépend de la PCR, de la technologie que vous utilisez (…) Même si vous avez des valeurs numériques, vous pouvez avoir une PCR qui, pour une même charge virale, va donner 40 (Ct) et l’autre va donner 35 », signale ainsi, interrogé par l’AFP, Vincent Enouf, directeur adjoint du Centre national de référence des infections respiratoires de l'Institut Pasteur.
 
Vous avez dit supercherie ?
La lecture de ces décryptages donne donc le sentiment d’une manipulation des chiffres du New York Times, au service d’un discours à la tonalité complotiste autour de l’épidémie de Covid-19. « Ce chiffre, issu d'un article du "New York Times" sur les tests viraux pour détecter le Sars-Cov-2, a été sur-interprété » remarquent Les Décodeurs du Monde, quand l’AFP titre sans appel : « Non, on ne peut pas affirmer que 90 % des cas positifs ne sont pas malades ou contagieux ». De fait, les termes « d’arnaque » ou encore de « surpercherie » ou les discours agressifs retrouvés dans les posts épinglés peuvent orienter vers une telle lecture. Néanmoins, les décodages ne risquent-ils pas à leur tour de discréditer un peu vite l’importance de l’information ? En voulant corriger la portée du chiffre de « 90% » ou en critiquant l’utilisation de l’expression « faux positif », n’ont-ils pas tendance à se focaliser sur des détails, voire à jouer sur les mots ?
 
Faux positifs, et si c’était vrai ?
Les mots, ont de fait, une importance. Or, les résultats positifs des tests RT-PCR sont souvent assimilés à des « cas » (y compris sur le JIM), voire à des « malades ». Or, ces dénominations sont sans doute aussi trompeuses que le recours au terme « faux positif » pour désigner les RT-PCR positives après un nombre de Ct élevé. « Un sujet parfaitement asymptomatique présentant une PCR positive ne peut être qualifié de "malade", comme on le lit dans les médias qui rapportent la progression de l’épidémie ! Peut-on même parler de "cas"? C’est pourtant le terme utilisé dans les dénombrements officiels. Ne sommes-nous pas en train d’oublier le patient pour se focaliser sur la technologie ? Est-ce une épidémie d’ARN dans des tubes que nous surveillons ou une maladie grave et potentiellement mortelle ? » s’interroge ainsi Pierre Sonigo. « Quelques définitions de l'épidémiologie scientifique, valables pour le Covid comme pour toute autre maladie infectieuse... (…)"Infecté.e' (Infected) "= test PCR positif . "Cas (Case)"= personne 'infectée' (porteure du SARS-Cov2) et malade (« symptomatique »), donc sous traitement médical à l'hôpital, à l'Ephad ou à la maison, du moins espérons-le. En aucun cas, « cas » ne signifie personne 'infectée' (test positif) non malade (pas de symptômes), du moins en la médecine d'avant Véran... » corrige également, Le blog de Gabas, hébergé sur Mediapart. Ces considérations sémantiques conduisent même certains à accepter que le terme de « faux positif » puisse être utilisé pour évoquer une RT-PCR avec un nombre de cycle très élevé. « De plus, un échantillon confirmé positif d’un point de vue analytique reste un faux positif du point de vue de la clinique, si la personne testée est en parfaite santé, parfois même prêt à affronter une compétition de tennis ou de football professionnels ! » insiste Pierre Sonigo. Enfin, ce dernier relève que les conditions de réalisation de la recherche du virus peuvent en elles-même favoriser le risque de vrais « faux positifs », répondant à la définition que rappellent Les Décodeurs. « Un échantillon positif amplifié un million de fois contient une très haute concentration de cible et le risque qu’il contamine (carry over) d’autres échantillons est particulièrement élevé. La saturation des laboratoires peut encore accroître ce risque et générer des faux positifs accidentels », note le biologiste.
 
Ct élevés : un indice fort d’une contagiosité faible, voire nulle
Concernant par ailleurs le nombre de Ct au-delà duquel il est possible de considérer que la quantité de virus retrouvée ne permet pas à la personne d’être contagieuse, s’il n’existe pas en effet de consensus autour d’un chiffre précis et quand bien même la technique utilisée a une influence, l’augmentation des Ct peut cependant être un élément d’appréciation important. « Il est presque acquis actuellement qu’au-dessous d’une valeur Ct de 24, on est contagieux et que le risque diminue progressivement au-delà. On pourrait donc considérer que les personnes testées positives avec une valeur Ct supérieure à 30 sont très peu, voire pas contagieuses, comme l’ont expliqué plusieurs spécialistes au New York Times » relève ainsi Yazdan Yazdanpanah, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Bichat (AP-HP) et membre du Conseil scientifique, cité par les Décodeurs du Monde.
 
Scandale peut-être pas, nouvelle marque d’inaptitude des pouvoirs publics probablement
Loin d’être uniquement une bataille sémantique ou une démonstration de la nécessité dans un décryptage de ne pas laisser « l’émetteur » et ses défauts éventuels influencer l’entreprise de décodage, ces questions sont essentielles pour comprendre les failles de notre stratégie de dépistage. La principale limite est d’avoir fait reposer la politique d’isolement des personnes contagieuses sur un outil qui n’est pas capable de déterminer la contagiosité, ce qui n’est pas un élément qui a été « découvert » par les journalistes du New York Times, mais qui était nécessairement connu des biologistes utilisateurs de la technique. « La cinétique de l’excrétion du virus n’est (…) pas bien prise en compte. La quantité de virus excrétée par une personne infectée part de zéro, augmente, atteint un pic puis redescend progressivement, avec parfois des oscillations autour du niveau bas. La pertinence d’un test RT-PCR dépend donc du moment auquel il est réalisé. Si c’est trop proche de la date de contamination, la quantité de virus sera trop faible pour être détectée par la PCR. Le test sera négatif alors que, quelques jours plus tard, la personne excrètera plus de virus et sera contagieuse. C’est pour cela que l’on préconise généralement pour les cas contacts un test 7 jours après la contamination potentielle. D’autre part, on estime aujourd’hui que la plupart des contaminations interviennent entre 2 jours avant l’apparition des symptômes et 7 jours après (hors cas sévères). Environ 50 % des contagions auraient lieu avant le début des symptômes. Cette cinétique est à mettre en relation avec la politique actuelle envers les clusters : le temps de constater des symptômes, d’enregistrer au moins 3 cas positifs, de retracer leurs contacts, de les faire tester et d’obtenir les résultats, on va probablement finir par mettre en quatorzaine des personnes au moment où ils ne sont plus ou presque plus contagieux. C’est à la fois peu efficace pour éteindre les clusters et inutilement pénalisant pour la société » analyse Yvon le Flohic.
 
Alors que ne commencent qu’aujourd’hui à être déployés d’autres outils (tests salivaires et tests antigéniques), le spécialiste estime qu’il est possible d’optimiser l’utilisation de la RT-PCR afin de gagner en pertinence : « On peut utiliser la RT-PCR différemment et modifier la politique de dépistage (la doctrine d'emploi) pour tenir compte des caractéristiques des tests et de ce que l’on sait de la contagiosité. En termes de stratégie, plutôt que le dépistage massif et aveugle vers lequel on s’est orienté, il serait plus judicieux de réellement intégrer le fait que l’épidémie se propage majoritairement de lieux clos en lieux clos plutôt que de façon inter-individuelle. Cela voudrait dire cibler le dépistage sur les clusters potentiels. En réalisant des tests plus rapidement, plus facilement et de façon répétée dans le temps pour être le plus réactif possible. Voire pour être préventif. C’est possible d’aller dans cette direction ».
 
Et s’il était trop tard ?
Cette réflexion capitale sur les écueils de notre dépistage est reconnue par Les Décodeurs qui résument en évoquant les « posts » rageurs publiés sur Facebook : « Pas d’« arnaque », mais de vraies questions sur la politique de dépistage ». Si l’on ne peut en effet sans doute pas parler d’arnaque, toute volonté délibérée de tromper étant probablement absente, on peut cependant interroger les manquements d’un gouvernement qui n’aura pas su adapter sa stratégie aux capacités réelles des outils… au risque majeur de créer une défiance, à certain égard légitime, au sein de la société (manifestée par les messages publiés sur les réseaux sociaux) et de mettre à mal une tactique qui aurait pu, si elle avait été déployée plus finement, être plus efficace. Il est cependant peut-être trop tard aujourd’hui : « La stratégie « dépister-isoler » n’est pas réaliste lorsque le dépistage n’est pas suffisamment fiable et surtout lorsque le virus est déjà largement répandu dans la population. Il est bien trop tard pour appliquer une méthode conçue pour bloquer une épidémie à sa naissance. Comme pour une invasion de coccinelles ou de frelons, on ne peut stopper un virus qui est déjà partout avec une passoire trouée à 25 % et bouchée par endroits. L’échec de la stratégie actuelle est plutôt lié à sa conception naïve et inapplicable qu’aux mauvais comportements des citoyens. Si, comme on l’observe en ce moment, la diffusion virale reprend, faut-il dépister plus massivement ou revoir la stratégie de protection de la population ? Cette question ne relève pas de la science. Elle dépend des risques acceptables par un individu ou par un groupe. Si on est dans la recherche du risque minimal, proche de zéro, parce que le risque n’a pas été quantifié, ou pour des raisons de responsabilité juridique, on doit prendre les précautions maximales. Si on accepte un risque même faible, on peut reprendre certaines libertés et protéger ceux qui en ont réellement besoin. Le scientifique doit mesurer la grandeur des risques et ne pas se contenter d’affirmer qu’un événement adverse est « possible ». Mais ce n’est pas son rôle de décider si ces risques peuvent être pris par autrui » conclut Pierre Sonigo, évoquant l’éternel débat des frontières entre champ politique et champ scientifique, aujourd’hui totalement brouillées en raison notamment, une nouvelle fois, de l’incapacité du politique à comprendre la réalité scientifique.
 
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Covid - Test PCR positif : quel risque ?

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